Pubs du Ramadan 2022 : une bonne récolte ?

Temps de lecture: 6 minutes
Haroun Chettab

Que s’est-il passé en termes de publicité au cours du dernier Ramadan ? Est-ce que notre “SuperBowl” fut une bonne récolte ? Je ne serai pas exhaustif, mais je tenterai de donner un regard sur ce qui m’a frappé cette année (voir aussi mon article sur Ramadan 2021).

Les assurances débarquent

Commençons par la nouveauté de l’année: la présence du secteur des assurances à travers les campagnes des sociétés GAM Assurances et CASH Assurances. 

Alors que la GAM a promu la toute première offre d’assurance participative (“musulmane”) via son produit GAM Takaful, la CASH a choisi de communiquer autour de ses offres pro et perso. Disclaimer: TBWA DJAZ est l’agence conseil de la GAM Assurances. Je tenterai tout de même d’être objectif dans mon analyse.

Est-ce d’ailleurs la GAM qui a impulsé ce mouvement dans le secteur des assurances ? Il est vrai que la GAM a fortement investi en publicité depuis bientôt une année, ce qui a probablement bousculé les grands joueurs d’un secteur qui a tendance à ronronner. Toujours est-il que la CASH a investi dans un spot de belle facture (conçu par l’agence Amachal) visant à promouvoir ses produits en mettant en scène des tranches de vie. Ce spot a été suivi par trois histoires: Amine, propriétaire d’une pâtisserie, Meriem, artisan céramiste, Saïd le père œuvrant dans la construction, et leur mère. Le concept est assez conventionnel, mais la réalisation et le storytelling y sont de qualité supérieure.

Via ces spots, nous constatons que la mise en avant des situations difficiles, telles qu’une conductrice qui fait un accident, un professionnel qui voit son local ravagé par un incendie, ou une famille qui voit sa maison partir en ruine, mettent l’accent sur le vrai rôle des assureurs. Rien à dire niveau message mais une question se pose quand même : est-ce que Ramadan est un bon moment pour parler assurance ? S’il s’agit de générer de la notoriété, alors la réponse est clairement “oui”, car les fortes audiences TV du Ramadan permettent de toucher beaucoup de monde. L’assurance est un achat au “cycle long” où il est important de communiquer régulièrement, et donc l’utilisation du Ramadan peut faire sens, notamment pour un nouveau produit tel que l’assurance participative, car il doit mener à un changement d’attitude et de comportement.

La fin du règne de la téléphonie mobile

Côté téléphonie mobile, les marques sont restées très conventionnelles via leurs spots publicitaires. Elles ont joué la carte de la valeur sûre avec : 

  1. Soit cette belle et grande famille unie autour de cette belle table garnie de bons plats et de boissons bien fraîches qui profite de cette belle lemma ramadanesque

ou

  1. Cette petite famille modèle (les parents + une fille et un garçon) qui apprécie la vie grâce à l'existence du produit promu 

(Je vous laisse deviner qui est qui). 

Rien de bien nouveau cette année ! Sauf peut-être le style d’exécution qui se rapproche de plus en plus de certains spots étrangers en termes de qualité.

C’est l’opérateur Mobilis qui s’est différencié et a essayé cette année de tabler sur l’humour pour promouvoir son offre “SAMA.” Et là… on aime ou on n'aime pas. En tous cas, pas de problème d’attribution pour Mobilis: le style est tellement différent qu’on ne risque pas de les confondre.

Une chose est sûre: le temps est révolu où la téléphonie mobile menait le bal de la pub ramadanesque avec les spots publicitaires à grand déploiement. La guerre des prix semble avoir eu raison de tout cela.

Guédila et sa raison d’être

Passons si vous voulez à la marque d’eau minérale Guedila et à ses cinq spots (plus une animation) :

  1. Campagne de sensibilisation anti-gaspillage (aussi ici et ici)
  2. Campagne marque

La première campagne Guedila fait parler sa bouteille pour sensibiliser à la nécessité de ne pas trop acheter (et donc, de potentiellement gaspiller). Il y a trois exécutions: un monsieur qui achète du pain, une jeune femme qui sort faire les courses sans noter ce qu’elle a déjà ou pas, et une petite fille qui aime bezef les fraises). On peut mentionner ici que la marque choisit de prendre position sur une vraie problématique de société: le pain, fortement subventionné et donc peu cher, fait l’objet d’un gaspillage affligeant. Ceci est en soi intéressant et conforme à la tendance actuelle des marques qui se donnent une raison d’être (purpose).

Cela dit, on pourrait se poser la question : “Pourquoi un produit fortement associé à la pollution (plastique) se prend pour un donneur de leçon ?” Il y a donc un risque de “retour de bâton” assez important pour la marque… que fait Guedila pour empêcher que les bouteilles plastiques ne se retrouvent dans la nature?

En tous cas, l'exécution de cette série de spot “conseils / sensibilisation” est de belle facture et met bien en avant certains insights bien de chez nous auxquels nous pouvons nous identifier: qui n'a pas eu cette fièvre acheteuse ? Qui n'a pas abusé un jour d'achats compulsifs de baguettes de pain ? Qui ne s'est pas retrouvée prête à sortir faire des courses sans même savoir quoi acheter ?

La seconde campagne de Guédila met en vedette Zakaria Karaouet, cet acteur connu grâce à la série “Achour El Achar,” qui se balade à travers de magnifiques paysages verdoyants.

Son exécution nous fait voyager (très beaux plans, très belles images, belle musique, dynamisme des séquences étudiées, focus sur cette goutte d'eau qui signifie tant de chose, bref, un spot de belle facture réalisé par le talentueux Hocine Mimouni). 

Un spot marque (“equity” dans le jargon) de cette qualité pour une marque d’eau minérale est assez rare pour être mentionné (dans notre souvenir, nous ne nous rappelons que du spot de lancement de Lalla Khedidja). C’est une campagne courageuse de la part de Guedila, visant à établir plus fortement la différence d’avec les autres eaux minérales. La seule critique que l’on pourrait faire est qu’on y voit au final très peu ni le produit, ni les codes de la marque; cela peut rendre problématique l’attribution du spot à la marque elle-même.

Les incontournables suppléments alimentaires

La dernière partie de cet article mettra en avant les deux produits parapharmaceutiques qui ont marqué leur présence en ce Ramadan 2022, à savoir Lactofibre et Pédiakid. 

Suite à la fameuse campagne “DARBA DARBA” de l’année dernière (basée sur le concept génial de Cheese Panda), nous nous attendions à une suite cette année, et ce fut le cas. La marque est revenue en force avec une nouvelle accroche mémorable: “Bayna” (“c’est évident”). Cette marque reprend ce qui fait la force d’une bonne publicité: l’humour et la répétition d’une accroche mémorable. On peut penser ce qu’on veut, mais ça marche. Si vous avez un souci de constipation, je parie que Lactofibre vous viendra tout de suite à l’esprit. On peut aussi débattre de la “classe” de parler de ce sujet juste au moment du f’tour… clairement, ça ne plaît pas à tout le monde. Mais je pense que les propriétaires de cette marque doivent regarder leurs ventes et se dire que ça en vaut la peine.

PEDIAKID, est la marque de complément alimentaire qui a osé cette année en faisant la promotion de sa gamme pour enfants (sommeil, immunité et renforcement musculaire).

Lorsque nous visualisons le spot, la première idée qui nous vient à l’esprit est que cette marque incite les parents à donner ce complément alimentaire à leurs enfants non pas pour les aider à mieux grandir, mais plutôt pour s’en débarrasser car ils n’arrivent pas à gérer la situation. Ce sentiment a été accentué par ce versus fait entre la famille “pro PEDIAKID” et la famille qui ne connaît toujours pas ce produit miracle, lui qui va tant les aider à avoir une vie paisible. 

Outre la qualité médiocre du spot, les propriétaires de cette marque devraient se poser la question de la façon dont est promu leur produit… 

Que ce soit pour Lactofibre ou pour Pediakid, le danger réside dans la promotion d’une automédication qui incitent les Algériens à aller vers des raccourcis quant aux soucis gastriques ou pour le bien-être de leurs enfants… le rôle d’une publicité responsable est ici clairement posé. 

Et vous ? Qu'avez-vous donc retenu de ce Ramadhan en termes de publicité ?

Lotissement Ben Haddadi, villa n°2, Dar Diaf 16014, Chéraga, Algérie
TBWA\
TBWA\DJAZ© 2019 tous droits réservésMentions légales Politique de confidentialité